Un kilogramme d’hydrogène ne coûte pas la même chose selon la façon dont on le fabrique, ni selon l’énergie que l’on utilise pour y parvenir. En 2023, plus de 95 % de l’hydrogène produit dans le monde sort encore d’usines qui consomment du gaz naturel, avec à la clé des émissions massives de CO2. Pourtant, des gouvernements et des industriels, convaincus de son potentiel, s’engagent à grande échelle pour faire de ce gaz un levier de décarbonation dans des secteurs jugés trop lourds ou trop complexes à électrifier.
Les financements affluent dans les technologies liées à l’hydrogène, année après année. Pourtant, la réalité du terrain freine l’élan : peu d’infrastructures pour transporter ou stocker ce gaz, et une filière « propre » encore balbutiante. L’électrolyse séduit sur le papier, mais reste coûteuse et tributaire d’une électricité renouvelable à la fois abondante et bon marché, deux conditions qui ne sont pas réunies partout.
Plan de l'article
- L’hydrogène face au pétrole : pourquoi cette alternative suscite-t-elle autant d’intérêt ?
- Comprendre les modes de production et les différentes formes d’hydrogène
- Quels usages concrets aujourd’hui et demain dans l’industrie, les transports et l’énergie ?
- Défis majeurs et promesses pour une transition énergétique durable
L’hydrogène face au pétrole : pourquoi cette alternative suscite-t-elle autant d’intérêt ?
L’hydrogène, ce mot tient presque du mantra pour ceux qui cherchent à transformer notre modèle énergétique. Si l’on en croit ingénieurs, élus et industriels, il pourrait répondre à la double contrainte de la raréfaction des énergies fossiles et de la nécessité de réduire les émissions de carbone. Abondant dans l’univers mais rarement disponible à l’état pur sur terre, l’hydrogène s’avance comme une solution pour s’affranchir du pétrole, du gaz ou du charbon. Des États-Unis à la Chine, de la France à l’Europe, le nombre de plans d’investissement et de stratégies officielles ne cesse de croître.
Voici les points forts qui expliquent cet engouement :
- Avantages de l’hydrogène : lors de sa combustion ou utilisé dans une pile à combustible, il ne rejette que de la vapeur d’eau, éliminant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et les particules nocives.
- Grâce à sa souplesse d’utilisation, il peut intervenir dans l’industrie, la mobilité lourde ou encore le stockage d’électricité issue du renouvelable.
Si l’on s’en tient à la théorie, l’hydrogène possède un vrai potentiel pour bâtir une économie moins carbonée. Mais le passage à l’échelle reste semé d’embûches : prix de revient élevé pour l’hydrogène bas carbone, infrastructures insuffisantes, stratégies nationales parfois divergentes. Sur le terrain, constructeurs automobiles, énergéticiens et pouvoirs publics tentent d’avancer, chacun à leur rythme. Les ONG, elles, rappellent que tout dépend de la façon dont on produit l’hydrogène : « vert » si issu des renouvelables, ou bien très émetteur s’il provient du gaz naturel. Ce détail change tout pour l’environnement.
Comprendre les modes de production et les différentes formes d’hydrogène
On ne fabrique pas l’hydrogène de la même façon partout, et ce choix influence fortement son impact environnemental. Actuellement, la majorité du marché repose sur une technique éprouvée mais très polluante : le reformage du gaz naturel. Ce procédé consiste à casser la molécule de méthane avec de la vapeur d’eau pour libérer l’hydrogène. Mais il en résulte aussi une quantité considérable de CO2. Ce type d’hydrogène, dit « gris », est au cœur de la controverse.
L’autre grande option, l’électrolyse de l’eau, commence à s’imposer dans les discours et les plans industriels : on utilise de l’électricité pour séparer hydrogène et oxygène. Lorsque cette électricité provient d’éoliennes, de barrages ou de panneaux solaires, on parle alors d’« hydrogène vert ». Cette voie est prometteuse, mais encore freinée par son coût et la nécessité de disposer d’un surplus d’électricité propre.
Pour clarifier les différentes options, voici les principales catégories d’hydrogène selon leur mode de production :
- Hydrogène bleu : obtenu par reformage du gaz naturel, mais associé à une capture et un stockage du CO2 pour limiter les émissions.
- Hydrogène jaune : produit par électrolyse, mais à partir d’électricité d’origine nucléaire.
- Hydrogène blanc : extrait naturellement du sous-sol, une ressource encore expérimentale.
Ce panorama illustre la pluralité des technologies et la complexité du secteur. La question qui divise reste la suivante : quelle forme d’hydrogène choisir pour bâtir une filière vraiment durable, qui ne déplace pas le problème des émissions de CO2 ? Entre l’électrolyse alimentée par du renouvelable et le recours à des procédés fossiles, les arbitrages industriels et politiques ne sont pas tranchés.
Quels usages concrets aujourd’hui et demain dans l’industrie, les transports et l’énergie ?
Aujourd’hui, l’industrie reste de loin la première consommatrice d’hydrogène. Raffineries, usines d’engrais, chimistes utilisent déjà ce gaz comme matière première : il sert à fabriquer de l’ammoniac ou à purifier les carburants. Le défi consiste désormais à remplacer l’hydrogène issu des fossiles par un hydrogène bas carbone, tout en maintenant la compétitivité des sites.
Côté transports, le recours à l’hydrogène progresse lentement. Des bus, des trains ou des véhicules utilitaires circulent déjà grâce à des piles à combustible, en France, en Allemagne, au Japon. Mais pour le grand public, le moteur à combustion interne utilisant l’hydrogène reste une technologie balbutiante. Les défis logistiques, stockage sous pression, création de stations de recharge, ralentissent la généralisation, notamment pour la voiture individuelle.
Dans le secteur énergétique, l’hydrogène commence à jouer un rôle dans le stockage de l’électricité. Il permet d’absorber les pics de production solaire ou éolienne, rendant possible une gestion plus souple du réseau. Plusieurs projets pilotes en Europe testent le stockage massif, via des systèmes dits « power-to-gas », qui pourraient transformer la façon de consommer l’énergie renouvelable.
Au fil des prochaines années, on peut s’attendre à voir se multiplier les expérimentations : ports, axes ferroviaires, solutions de stockage saisonnier. L’hydrogène s’impose peu à peu comme une pièce centrale de la transition énergétique, à la croisée de l’industrie et de la décarbonation.
Défis majeurs et promesses pour une transition énergétique durable
L’hydrogène fait rêver sur le papier, mais le passage à la réalité s’annonce exigeant. Premier défi : produire de l’hydrogène bas carbone en quantité suffisante sans faire exploser la consommation d’énergie. À ce jour, le reformage du gaz naturel reste la norme et pèse lourd dans le bilan carbone du secteur. L’électrolyse alimentée par du renouvelable offre une voie alternative, mais elle suppose des investissements colossaux et une montée en puissance encore à construire.
Sur le plan logistique, le stockage et le transport de l’hydrogène posent de vraies difficultés. Gaz volatil, il impose des infrastructures spécifiques, des matériaux adaptés, que ce soit pour les réseaux de pipelines ou les stations de distribution. Les questions de sécurité et de coût n’ont rien d’anecdotique.
Les promesses et les chantiers en France et en Europe
Pour mieux saisir l’ampleur des efforts en cours, voici quelques axes stratégiques sur lesquels misent la France et l’Europe :
- Le CEA et le CNRS multiplient les prototypes, qu’il s’agisse de piles à combustible ou d’électrolyseurs de nouvelle génération.
- La France s’est fixé pour objectif d’atteindre 6,5 GW de capacité de production d’hydrogène vert d’ici 2030.
- L’Europe avance sur une alliance industrielle, avec l’ambition de structurer l’ensemble de la filière, d’assurer l’approvisionnement et de booster l’innovation.
Production, transport, stockage, usages : chaque chantier soulève des questions techniques et économiques. Les décisions prises dans les prochains mois, qu’elles soient politiques, industrielles ou financières, dessineront la place que prendra l’hydrogène dans la mutation énergétique. Mais une chose est sûre : cette histoire ne fait que commencer, et chaque avancée technique soulève autant d’espoirs que d’interrogations.